samedi 5 septembre 2015

L'art brut, de l'asile au marché

Jean Dubuffet n'est plus là pour protéger les grands artistes marginaux des appétits du marché. Les créations singulières et fascinantes des Darger, Wölfli, Corbaz... vont-elles y perdre leur âme ?

Au début des années 1970, faute d'avoir trouvé en France une institution partante pour en faire un musée à sa façon, l'artiste Jean Dubuffet offre à la ville de Lausanne sa collection d'art brut. Dans les caisses expédiées en Suisse, quatre mille pièces hétéroclites parmi lesquelles des dessins surchargés, des peintures aux couleurs vives, des sculptures en bois ou en fer-blanc, des broderies bizarroïdes... L'ensemble, fruit de trois décennies de recherches et collectes tous azimuts, passe la frontière en tant que « documents ». Le fisc français valide. Nuls droits de douane à payer pour ces machins considérés comme étant sans valeur. La Collection de l'art brut devient un musée, inauguré en 1976 sur les hauteurs du lac Léman.

 Quarante ans plus tard, certains de ces « machins » ont gagné le statut de chefs-d'œuvre inestimables. L'art brut, après avoir été la passion secrète de petits groupes marginaux et heureux de l'être, est sorti de sa tanière. On lui déroule le tapis rouge, on l'invite à la Biennale de Venise ou à la Fiac. Après l'avoir royalement ignoré, le milieu de l'art contemporain s'en est entiché. Et la cote de ces artistes autrefois méprisés explose.



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