Ô vous, qui adulez Marine Le Pen et le Front National… Que savez-vous sur ce parti et ses origines ?
Certes le FN n’existait pas en tant que tel pendant la seconde guerre mondiale, mais ses membres fondateurs pour la plupart sont sortis tout droit de la collabo « Le mouvement Pétainiste et … Ordre Nouveau »
Qui étaient les membres fondateurs du FN?
Proche de l’ancien nazi belge Léon Degrelle, Le Pen se montre très discret sur les anciens du régime de Vichy et autres admirateurs de l’Allemagne Hitlérienne étroitement mêlés à l’histoire du FN.
Léon Gaultier.
Cet ancien lieutenant Waffen SS a fondé une maison de disques, la SERP, avec Le Pen en 1963. Il fut membre du conseil national du FN dès sa création, en 1972.
André Dufraisse. Ex-membre du Parti populaire français et de la Légion des volontaires français (LVF), c’est à son engagement sur le front de l’Est sous l’uniforme allemand qu’il dut son surnom de « Tonton Panzer ». Membre du bureau politique du Front national de 1972 à sa mort, chargé du recrutement des chefs d’entreprise, André Dufraisse fut aussi le compagnon de Martine Lehideux, actuelle présidente du groupe FN au conseil régional d’Ile-de-France, elle-même nièce de François Lehideux, ministre de l’Industrie de Pétain. A la mort de « Tonton Panzer » en 1994, Le Pen prononça sur le parvis de l’église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet un bref hommage au défunt, avec lequel il avait milité depuis 1956.
François Brigneau. Cet ancien milicien, qui connut les geôles de Fresnes au temps de Brasillach, fut vice-président du FN à sa création. Editorialiste de National Hebdo, condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, il a pris ses distances au moment de la scission mégrétiste. Roland Goguillot, alias Roland Gaucher, s’occupa pendant la guerre des jeunesses du RNP de Marcel Déat, qu’il suivit à Sigmaringen en 1944. A la Libération, il prit le pseudonyme de Roland Gaucher. Journaliste à Minute, Gaucher-Goguillot fut fondateur en 1972, puis membre du bureau politique du Front. Grand spécialiste du PCF, il a sensibilisé Le Pen à l’efficacité des techniques militantes communistes. Il sera conseiller régional FN de Franche-Comté et directeur de National Hebdo jusqu’en 1993.
Pierre Bousquet, premier trésorier du FN, décédé en 1991, était un ancien caporal de la division Charlemagne.
Victor Barthélemy, secrétaire général du Front national de 1973 à 1978, décédé en 1985, fut le secrétaire de Jacques Doriot, chef du PPF. Il a été membre du comité central de la Légion des volontaires français (LVF).
Gilbert Gilles fut de tous les combats de l’extrême droite. Aujourd’hui retraité et auteur de livres sur la Seconde Guerre mondiale, il ne cache rien de son passé : « J’ai été à la Waffen SS et adjudant de la division Charlemagne, j’ai combattu en Ukraine du Nord et purgé quatre an et demi de prison pour appartenance à l’OAS : nous avions fait sauter les pylônes à haute tension à Sarcelles un jour où De Gaulle devait y faire un discours. » En 1984, Gilbert Gilles devint le chargé de mission de Le Pen (qu’il tutoie) afin de récolter des fonds en Afrique,
Il y a eu quatre anciens résistants avec eux. 4 confirmés et un cinquième qui n’a jamais pu prouver son engagement dans la résistance…… mais tous étaient des ex de l’OAS
Autre liste
Pierre Bousquet, secrétaire général du Parti de l’Unité Française et ancien de la division SS Charlemagne
François Brigneau, ancien milicien, condamné pour collaboration avec les nazis
Dominique Chaboche, ancien de « Occident » ;
André Dufraisse, ancien collaborateur
François Duprat, journaliste et ancien de « Ordre nouveau », diffuseur du négationnisme, assassiné en 1978
Roland Gaucher, ancien collaborateur,
Léon Gaultier, ancien proche collaborateur du Secrétaire général à l’Information du gouvernement du Maréchal Pétain
Pierre Marion, un des fondateurs de la Milice, il a combattu sous l’uniforme allemand de la Waffen- SS sur le Front de l’Est durant l’été 1944
Roger Holeindre, ancien résistant, ancien de l’OAS
Alain Robert, pour Ordre nouveau et le GUD.
Victor Barthélemy, ancien du Parti communiste français, puis de la LVF, puis secrétaire général du PPF (voir son livre de mémoires Du communisme au fascisme) et comme il faut frapper le fer tant qu’il est chaud.
Qui sont les politiques suivants?
*Jacques Bompard -Membre fondateur du Front national en 1972 – crée OAS Cambronne, un réseau de soutien à l’OAS. Il rejoint par la suite les rangs du mouvement étudiant d’extrême droite Occident dont il intégrera plus tard le secrétariat national puis à Ordre nouveau après la dissolution d’Occident en 1968
*Jack Marchal– Adhérent du mouvement Occident dès 1966, il rejoint en 1968 le noyau fondateur du Groupe union défense (GUD) et entre à la direction politique d’Ordre nouveau, dont il dirige la presse. Il participera à ce titre à la création du Front national en 1972 avant de rejoindre deux ans après le Parti des forces nouvelles. Il a rejoint le Front national en 1984.
*Jean-François Galvaire -Membre d’Ordre nouveau en 1970, il fut l’un des fondateurs du Parti des forces nouvelles (PFN). Il devient par la suite conseiller régional Poitou-Charentes pour le Front national et président des Amis de National Hebdo
*Pascal Gauchon – ex-rédacteur en chef de Défense de l’Occident, il fut membre d’Ordre nouveau, puis devint secrétaire général du Parti des forces nouvelles, mouvement d’extrême droite, de 1974 à 1981. En mai 1979, il participe, en 4e position, derrière Michel de Saint-Pierre, Jean-Louis Tixier-Vignancour et Jean-Marie Le Pen, à la tentative de liste commune PFN/FN pour les élections européennes
Martial Bild -organe du Parti des forces nouvelles (PFN), puis adhère deux ans plus tard, en septembre 1980
*Didier Lecerf -Il fut membre de la direction du Parti des forces nouvelles et l’un des principaux rédacteurs du journal Pour une force nouvelle. Il rejoint, en 1984, le Front national
*Georges-Paul Wagner – Ancien d’Action Française, élu député des Yvelines en 1986, sous les couleurs du Rassemblement national, fondateur avec Roland Hélie et Philippe Colombani, de l’Institut d’histoire et de politique, centre de formation au service du FN.
*Georges Theil – condamné en 2001 par la Cour d’appel de Grenoble pour contestation de crimes contre l’Humanité, condamné le 3 janvier 2006 à 6 mois de prison ferme pour des propos tombant sous le coup de la loi Gayssot qui réprime le négationnisme de la Shoah. conseiller régional FN en Rhône-Alpes de 1998 à 2004.
*Jean-Jacques Susini –Créateur de l’OAS, condamné deux fois par contumace, à la peine de mort par la Cour de sûreté de l’État, pour son appartenance à l’OAS et comme inspirateur de l’attentat manqué contre Charles de Gaulle. Amnistié sur décision du général de Gaulle en 1968, Candidat pour le Front national aux élections législatives de 1997 dans les Bouches-du-Rhône.
*Pierre Sergent – participant du putsch d’Alger, chef d’état major de l’OAS-Métropole en 1961, condamné à mort par contumace par deux fois en 1962 et 1964, lors du procès par la Cour de Sureté de l’État des 8 principaux dirigeants de l’OAS, amnistié en 1968. Élu en 1986 député des Pyrénées-Orientales sous l’étiquette du Front national qu’il avait rejoint en octobre 1972.
Albert Rosset – a déclaré à propos des chambres à gaz (11 octobre 2004, Lyon, conférence de presse du FN, en présence de Bruno Gollnisch) : « Il faut faire la différence entre la mémoire vécue et la mémoire rapportée. Moi, j’ai vu les chambres à gaz, je les ai même utilisées. Elles ont servi à désinfecter des milliers de prisonniers, pouilleux ou atteint du typhus ». Conseiller régional Front National de la région Rhône-Alpes, élu sur le département de l’Ardèche.
*Fabrice Robert –Militant de troisième Voie (TV) organisation nationaliste révolutionnaire française, née en 1985 de la fusion du Mouvement nationaliste révolutionnaire avec des dissidents du Parti des forces nouvelles, dissoute en 1992, réactivée en 2010 sous l’impulsion de Serge Ayoub et dissoute de nouveau en 2013. Conseiller municipal du Front national à La Courneuve.
*Alain Renault -Secrétaire général d’Ordre nouveau, secrétaire général du Front national (FN) jusqu’en 1980
*Jean Madiran -décoré de la Francisque, secrétaire de Charles Maurras, collabore à l’hebdomadaire Rivarol et à L’Action Française. Ses écrits expriment sans retenue antisémitisme et antimaçonnisme, “Nous sommes à droite de l’extrême droite.” disait-il, Compagnon de route du Front national
*Guillaume Luyt -Ancien militant royaliste et dirigeant d’Unité radicale, il a succédé à Samuel Maréchal comme chef du Front national de la jeunesse (FNJ)
*Alain de La Tocnaye –OAS , Parti nationaliste français, Mouvement Travail Patrie, condamné à mort le 4 mars 1963. Le 11 mars, sa peine est commuée en prison à perpétuité. Il est gracié et libéré en 1968, Front national, au sein duquel il n’a pas de responsabilité particulière.
Il est le père de Thibaut de La Tocnaye, également militant et membre du front national.
*Serge Jeanneret – Action française, chef adjoint de cabinet d’Abel Bonnard dans le gouvernement Pierre Laval. En 1986, il adhère au Front national. Il est élu conseiller régional FN d’Île-de-France, puis vice-président du groupe FN
*Roger Holeindre –OAS, fait partie du service d’ordre de Jean-Louis Tixier-Vignancour, fondateur du Parti national populaire, participe à la fondation du FN.
*Gilbert Gilles – intègre la Waffen SS (au sein de la Division Charlemagne, avec le grade de Oberscharführer), a ensuite appartenu à l’OAS, puis adhéra au Front national.
*Pierre Descaves -s’engage en 1961 dans l’Organisation armée secrète (OAS), rejoint le Front national en 1984, membre du comité central.
*Jean-Pierre Cohen -adhère à 20 ans à l’OAS, Membre du comité central du Front national
*Christian Bouchet -rejoint en 1971 la Nouvelle Action française, cadre dirigeant du mouvement nationaliste-révolutionnaire européen, puis secrétaire-général des mouvements Troisième voie, Nouvelle résistance et Unité radicale, FN depuis 2008]
Le rôle fondateur d’Ordre nouveau pour le FN
Dans la perspective des élections législatives de 1973, le mouvement Ordre nouveau entreprend, à partir de la fin 1971, de constituer un « rassemblement de la droite nationale » allant des anciens poujadistes aux franges pétainistes ou néo-nazies les plus extrêmes. Le nouveau parti, baptisé « Front national pour l’Unité française », puis plus simplement « Front national », est officiellement fondé le 5 octobre 1972.
Selon l’analyse d’Alexandre Dézé, la création du Front national obéit à une quadruple logique de la part du mouvement Ordre nouveau à l’aube des années 1970. Il s’agit, en premier lieu, dans une « logique de compétition », d’occuper l’espace politique de l’extrême droite et de s’affirmer comme la « concrétisation de l’unité du nationalisme français ». Puis, dans une « logique de conversion » et particulièrement sous l’impulsion de François Duprat, Ordre nouveau redéfinit progressivement ses modes d’actions au bénéfice de la participation au système électoral, après un tout premier test en juin 1970 lors de législatives partielles suivi d’une participation aux municipales de mars 1971 : il s’agit alors en large partie de trouver des débouchés politiques aux jeunes cadres du mouvement. S’y ajoute une « logique de collaboration » avec les notables de la frange « nationale », afin d’élargir les moyens politiques d’Ordre nouveau au-delà de ce seul mouvement. On voit enfin à l’œuvre une « logique de rationalisation » dans le discours adressé aux militants, visant à montrer les limites de l’activisme et à convaincre du bien-fondé d’un mode d’action désormais strictement légaliste.
La flamme du Movimento sociale italiano (MSI), à l’origine de l’emblème du Front national. La flamme évoque également le logo de l’Union générale des travailleurs, syndicat créé par Ordre nouveau en 1971 et rappelle les trois flambeaux en faisceau du Rassemblement national populaire de Marcel Déat.
Logo historique du Front national.
Les dirigeants d’Ordre nouveau, particulièrement François Duprat et Alain Robert, s’inspirent alors essentiellement du modèle du MSI, parti néo-fasciste italien fondé en 1946 par des proches de Mussolini, qui vient alors de fusionner avec les monarchistes et d’adopter une ligne de « droite nationale » (Destra nazionale) : le MSI est à cette époque le plus puissant parti d’extrême droite européen. Comme le note Erwan Lecœur, Ordre nouveau « veut faire du rassemblement qui prend forme à la fin de cette année [1972] le pendant français de la réussite du Movimente Sociale Italiano (MSI) » ; de fait, « La flamme tricolore (sigle du Front national), comme une partie du programme sont copiées sur le MSI ». Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard soulignent de même que « le logotype de la flamme tricolore […] témoigne à la fois du parallélisme modernisateur avec l’Italie (chacun sait qu’il s’agit du symbole du MSI, avec le code couleur idoine bien sûr), de la continuité légitimatrice avec ON (qui en use déjà pour la coquille vide qu’est son syndicat, l’Union générale du travail) » mais y ajoutent « la tradition historique avec le Rassemblement national populaire de Déat (dont les trois flambeaux ressemblaient fort à cette flamme) ». Nicolas Lebourg précise que la flamme bleu-blanc-rouge signale aussi « la continuité légitimatrice avec Ordre Nouveau (qui en use déjà pour la coquille vide qu’est son syndicat, l’Union Générale du Travail) ». D’après l’historienne Valérie Igounet, « l’appropriation de la flamme italienne par le Front national symbolise, avant tout, une affiliation à une certaine mystique fasciste », mais s’explique aussi « parce qu’il n’a ni les réserves financières, ni les moyens logistiques pour conceptualiser un logo ». Le MSI est aussi le premier imprimeur du Front national, fournissant gratuitement ses premières affiches alors que le parti manque de moyens. Selon Zvonimir Novak, spécialiste de l’imagerie des supports politiques, « cette flamme fait référence à celle des poilus durant la guerre de 14-18, la flamme éternelle de la France, celle du soldat inconnu ».
Alain Robert joue dans la genèse de ce mouvement unitaire un rôle clé grâce à la mobilisation de ses réseaux personnels issus de ses multiples engagements successifs (au sein de la Fédération des étudiants nationalistes, des comités Tixier-Vignancour, d’Occident, du Groupe Union Droit). L’initiative d’Ordre nouveau intervient à un moment où, après l’échec des « ultras de l’Algérie française » et le déclin qui s’en est suivi, l’extrême droite française est particulièrement fragmentée entre des groupuscules épars. Outre Ordre nouveau, où l’on retrouve en particulier François Duprat, Alain Robert et François Brigneau et qui est le mouvement dominant par le nombre, les groupes étroitement impliqués dans la création du Front national et dont différents membres y occuperont des postes clés sont Jeunesses patriotes et sociales (JPS) de Roger Holeindre (ancien de l’OAS et des comités Tixier-Vignancour), la revue Militant de Pierre Bousquet (ancien membre du Parti franciste puis de la division SS Charlemagne dans les années 1940) et le Groupe union défense (GUD) d’Alain Robert (tendance nationaliste-révolutionnaire). Alexandre Dézé souligne le caractère alors « hautement improbable » dans ce contexte de la création d’un parti regroupant ces diverses tendances en vue d’une participation à la compétition politique dans le cadre des institutions. De fait, certains autres groupuscules préfèrent alors ignorer cette initiative : le GRECE, qui poursuit depuis 1968 son entreprise de refondation idéologique, ainsi que les monarchistes de Restauration nationale. Enfin, Georges Bidault, qui, avec son Mouvement pour la justice et la liberté, aurait apporté avec lui la caution d’un ancien président du Conseil national de la Résistance et d’un ancien président du Conseil de la IVe République, ne participe que brièvement aux tractations qui se déroulent à l’été 1972.
Jean-Marie Le Pen, « caution électorale »
Après le refus de Dominique Venner et de Jacques Susini d’assumer la fonction de président du nouveau front, et notamment par l’intermédiaire de Roger Holeindre et François Brigneau, les responsables d’Ordre nouveau se tournent vers Jean-Marie Le Pen, avec lequel des contacts ont lieu depuis décembre 1971 ; celui-ci est alors en retrait de la vie politique après sa participation à la campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour. Il rejoint le nouveau parti lors du second congrès national d’Ordre nouveau les 10 et 11 juin 1972 et obtient tout d’abord un premier accord mettant en place une présidence à trois têtes représentant les trois principales tendances : lui-même, François Brigneau pour Ordre nouveau et Guy Ribeaud, un proche de Georges Bidault. Après le retrait de ce dernier, il obtient pour ses partisans une majorité des sièges au bureau politique, Ordre nouveau n’en occupant qu’un tiers et chaque responsable de la tendance Ordre nouveau y étant doublé d’un adjoint « lepéniste ». Le bureau initial du Front national est ainsi composé, outre Jean-Marie Le Pen (président) et François Brigneau (Ordre nouveau, vice-président), d’Alain Robert (Ordre nouveau, secrétaire général) et Roger Holeindre (secrétaire général adjoint) et de Pierre Bousquet (trésorier) et Pierre Durand (trésorier adjoint).
Décrit par les dirigeants d’Ordre nouveau comme « une personnalité de premier plan, non seulement par son passé militant et combattant, notamment le fait d’avoir été député à deux reprises, mais surtout par son intelligence et sa clairvoyance politique», Jean-Marie Le Pen « présente alors un profil plus légaliste et modéré que celui des dirigeants du mouvement nationaliste-révolutionnaire […] dans cette mesure, sa participation au FN doit avoir pour finalité de crédibiliser l’entreprise frontiste ». Pour Jean-Yves Camus, il s’agit de tirer profit de ses atouts de « faire-valoir électoral sans lui confier la direction de l’appareil du mouvement ». Il relève également « que « l’expérience des « comités TV » [Tixier-Vignancour] est importante pour l’histoire future du FN : en effet, la nébuleuse tixiériste avait partiellement réussi à mobiliser ensemble des fractions aussi différentes que la droite conservatrice antigaulliste (P. Arrighi, A. de Lacoste-Lareymondie), le néo-fascisme d’Occident et le néo-paganisme « européaniste » de J. Mabire ou D. Venner. Oscillant sans cesse entre un nationalisme sans compromis et la tentation du ralliement au meilleur candidat antigaulliste, la campagne Tixier préfigurait largement les futures hésitations stratégiques du FN ».
Par choix tactique, la quasi exclusivité de la représentation du nouveau parti est laissée à Jean-Marie Le Pen, désigné président du nouveau parti : outre le bénéfice recherché en termes de crédibilité, Ordre nouveau choisit de s’effacer publiquement pour permettre, le temps de la campagne des législatives, l’expression d’un discours unitaire[
Le premier programme du Front national
Se revendiquant d’une « droite sociale, populaire, nationale », le nouveau parti se place explicitement au sein du jeu politique : l’opposition au régime « prend désormais plutôt la forme d’une critique populiste du système politique et des principales forces qui le composent » (« contre la majorité usée, corrompue, impuissante », « contre le communisme ruineux, utopique, oppresseur » sont deux des mots d’ordre de la campagne électorale de 1973).
Sous le titre « Défendre les Français », le programme publié le 11 novembre 1973 dans Le National et dont la partie économique a été rédigée par Gérard Longuet, aborde dans une optique conservatrice modérée, à la tonalité anti libertaire, anticapitaliste et antimarxiste, la plupart des thèmes sociétaux du moment (agriculture, économie, enseignement, service public, santé). Le nouveau parti, aux thèmes déjà national-populistes, se veut être une « troisième voie entre lutte des classes et monopoles »[]. Loin de reprendre les idées économiques interventionnistes d’Ordre nouveau, il s’affiche comme une défense des intérêts corporatistes tout en « réclamant, au contraire, la réduction au strict minimum du secteur public et nationalisé, ainsi que le confinement de l’État à son rôle d’arbitre des intérêts ». Jean-Yves Camus souligne les ambiguïtés de ce programme sur les questions de l’immigration, où le lien avec le chômage n’est pas encore établi, ainsi que la position sur la natalité où il « réclame la révision de la loi de 1920 sur l’avortement, alors que la même mesure, prise par S. Veil, ouvrira la campagne frontiste sur le prétendu « génocide des enfants français »[
Cette nouvelle orientation stratégique ne fait cependant pas l’unanimité, comme en témoignent les désaccords dès le congrès fondateur de juin 1972 entre les tenants « radicaux » du maintien de la référence à Ordre nouveau sous l’appellation « Front national pour un Ordre nouveau » (minorité menée par les membres du GUD) et les « pragmatiques » qui insistent « sur la nécessité de jouer à fond la stratégie d’ouverture et de changement d’« image » » et soutiennent le choix du nom de « Front national pour l’Unité française » (motion conduite par François Brigneau). Le discours tenu en interne sur la distinction maintenue entre les programmes respectifs des deux mouvements en est une autre illustration. De même, lors du congrès de 1972, alors qu’« [une] minorité « pose clairement la question : « Ne peut-on craindre de voir, éventuellement, ce Front national échapper au contrôle d’Ordre nouveau ? », [il] leur est répondu qu’ON continue à revendiquer le rôle dirigeant au sein du Front, qu’il doit en rester l’élément moteur, « l’ossature autour de laquelle s’ordonne tout le reste » ». La multiplication des emprunts à Ordre nouveau dissimulés dans l’imagerie et les slogans du nouveau Front national est encore un moyen de « rassurer les militants sur les référents identitaires originels du parti », ce qui n’empêche pas la scission menée par Patrice Janeau qui fonde par la suite le Groupe action jeunesse.
Jean-Yves Camus souligne que la difficulté, à l’époque, réside dans « l’existence au sein de la droite nationale de deux cultures idéologiques antagonistes : celle d’Ordre nouveau, nationaliste-révolutionnaire, et celle des nationaux, souvent issus du poujadisme et du mouvement pour l’Algérie française ». La création du nouveau parti se fait « dans une ambiance réciproque de parfaite méfiance », lepénistes et Ordre nouveau mettant concurremment en place des sections locales et annonçant des meetings de lancement distincts ; les statuts du mouvement doivent être rédigés sans aucune référence idéologique ou politique, afin d’éviter les conflits. Pour Grégoire Kauffmann, « le FN naît ainsi d’un malentendu — pour ne pas dire d’un marché de dupes. D’autant que Le Pen avait promis le renfort de nombreux militants rencontrés à l’époque du poujadisme et des « Comités Tixier ». Or la moisson s’avère très décevante. Ne répondent à l’appel que les maigres troupes du Front uni de soutien au Sud-Vietnam dirigé par Roger Holeindre et celles, non moins dérisoires, de Justice et Liberté, le groupuscule de Georges Bidault — figure de la Résistance passée à l’OAS. Dans les faits, c’est bien Ordre nouveau qui, incitant tous ses adhérents à rejoindre la nouvelle formation, fournit au FN le gros de ses effectifs » ; à Paris, 20 des 31 candidats du Front aux élections législatives viennent ainsi d’Ordre nouveau.
Ces tensions s’avivent après l’échec aux législatives de 1973. Jean-Marie Le Pen avait annoncé 400 candidats, mais le parti ne parvient à en présenter que 105. Alors que l’objectif et le seuil de viabilité du mouvement avaient été fixés à 3 % des voix, le nouveau parti n’obtient que 108 000 voix, soit 1,3 % des suffrages exprimés au niveau national et 2,3 % dans les circonscriptions où il était présent. Seul Jean-Marie Le Pen dépasse les 5 % à Paris. Lors du troisième congrès d’Ordre nouveau en avril 1973, puis du premier congrès du Front national en juin, les dirigeants d’Ordre nouveau affirment une double stratégie : d’une part de maintien des objectifs nationalistes révolutionnaires du mouvement afin de conserver sa base militante, et d’autre part d’engagement maintenu dans la voie légaliste, c’est-à-dire dans le Front national où Ordre nouveau revendique cependant son autonomie politiqu
Prise de contrôle par Jean-Marie Le Pen
La reprise de l’action militante et violente lors des congrès de juin 1973 conduit finalement à la dissolution d’Ordre nouveau par le gouvernement le 28 juin, en même temps que celle de la Ligue communiste, à la suite d’une nuit d’affrontement dans les rues parisiennes le 21 juin. Alain Robert tente alors de conserver le capital politique et organisationnel acquis grâce à la création du Front national, tout d’abord en exigeant la majorité des sièges au bureau politique du parti, puis au travers d’une revue baptisée Faire front lancée en octobre 1973 et sous-titrée « Journal du Front national », amorce d’un « Front national bis ». Mais cette tentative se solde par un échec : Jean-Marie Le Pen désigne Victor Barthélemy, ancien membre du Parti communiste français et du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, au poste de secrétaire administratif, et Dominique Chaboche au poste de secrétaire général, puis obtient par décision de justice « non seulement l’interdiction pour Faire front d’utiliser la mention « Front national » mais aussi l’usage exclusif du sigle frontiste » Il peut alors « imposer un bureau politique tout à sa dévotion ».
Tandis qu’Alain Robert va fonder le Parti des forces nouvelles qui sera le principal concurrent du Front national tout au long des années 1970, Jean-Marie Le Pen se retrouve cependant alors « à la tête d’une organisation non seulement endettée mais également amputée d’une partie substantielle de sa base militante » : la scission de Faire front entraîne la perte d’un tiers des dirigeants et de la majorité des cadres et militants[]. Le Front national ne compte plus que quelques centaines d’adhérents.
Pour Alexandre Dézé, cette première scission illustre une constante de l’histoire du Front national, partagé entre « une logique électorale de conquête du pouvoir et une logique doctrinale d’affirmation identitaire.
Sources :
Le Canard Gaulois déchaîné
https://lecanarddechaineblog.wordpress.com/2017/02/13/qui-a-fond-le-fn/
Certes le FN n’existait pas en tant que tel pendant la seconde guerre mondiale, mais ses membres fondateurs pour la plupart sont sortis tout droit de la collabo « Le mouvement Pétainiste et … Ordre Nouveau »
Qui étaient les membres fondateurs du FN?
Proche de l’ancien nazi belge Léon Degrelle, Le Pen se montre très discret sur les anciens du régime de Vichy et autres admirateurs de l’Allemagne Hitlérienne étroitement mêlés à l’histoire du FN.
Léon Gaultier.
Cet ancien lieutenant Waffen SS a fondé une maison de disques, la SERP, avec Le Pen en 1963. Il fut membre du conseil national du FN dès sa création, en 1972.
André Dufraisse. Ex-membre du Parti populaire français et de la Légion des volontaires français (LVF), c’est à son engagement sur le front de l’Est sous l’uniforme allemand qu’il dut son surnom de « Tonton Panzer ». Membre du bureau politique du Front national de 1972 à sa mort, chargé du recrutement des chefs d’entreprise, André Dufraisse fut aussi le compagnon de Martine Lehideux, actuelle présidente du groupe FN au conseil régional d’Ile-de-France, elle-même nièce de François Lehideux, ministre de l’Industrie de Pétain. A la mort de « Tonton Panzer » en 1994, Le Pen prononça sur le parvis de l’église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet un bref hommage au défunt, avec lequel il avait milité depuis 1956.
François Brigneau. Cet ancien milicien, qui connut les geôles de Fresnes au temps de Brasillach, fut vice-président du FN à sa création. Editorialiste de National Hebdo, condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, il a pris ses distances au moment de la scission mégrétiste. Roland Goguillot, alias Roland Gaucher, s’occupa pendant la guerre des jeunesses du RNP de Marcel Déat, qu’il suivit à Sigmaringen en 1944. A la Libération, il prit le pseudonyme de Roland Gaucher. Journaliste à Minute, Gaucher-Goguillot fut fondateur en 1972, puis membre du bureau politique du Front. Grand spécialiste du PCF, il a sensibilisé Le Pen à l’efficacité des techniques militantes communistes. Il sera conseiller régional FN de Franche-Comté et directeur de National Hebdo jusqu’en 1993.
Pierre Bousquet, premier trésorier du FN, décédé en 1991, était un ancien caporal de la division Charlemagne.
Victor Barthélemy, secrétaire général du Front national de 1973 à 1978, décédé en 1985, fut le secrétaire de Jacques Doriot, chef du PPF. Il a été membre du comité central de la Légion des volontaires français (LVF).
Gilbert Gilles fut de tous les combats de l’extrême droite. Aujourd’hui retraité et auteur de livres sur la Seconde Guerre mondiale, il ne cache rien de son passé : « J’ai été à la Waffen SS et adjudant de la division Charlemagne, j’ai combattu en Ukraine du Nord et purgé quatre an et demi de prison pour appartenance à l’OAS : nous avions fait sauter les pylônes à haute tension à Sarcelles un jour où De Gaulle devait y faire un discours. » En 1984, Gilbert Gilles devint le chargé de mission de Le Pen (qu’il tutoie) afin de récolter des fonds en Afrique,
Il y a eu quatre anciens résistants avec eux. 4 confirmés et un cinquième qui n’a jamais pu prouver son engagement dans la résistance…… mais tous étaient des ex de l’OAS
Autre liste
Pierre Bousquet, secrétaire général du Parti de l’Unité Française et ancien de la division SS Charlemagne
François Brigneau, ancien milicien, condamné pour collaboration avec les nazis
Dominique Chaboche, ancien de « Occident » ;
André Dufraisse, ancien collaborateur
François Duprat, journaliste et ancien de « Ordre nouveau », diffuseur du négationnisme, assassiné en 1978
Roland Gaucher, ancien collaborateur,
Léon Gaultier, ancien proche collaborateur du Secrétaire général à l’Information du gouvernement du Maréchal Pétain
Pierre Marion, un des fondateurs de la Milice, il a combattu sous l’uniforme allemand de la Waffen- SS sur le Front de l’Est durant l’été 1944
Roger Holeindre, ancien résistant, ancien de l’OAS
Alain Robert, pour Ordre nouveau et le GUD.
Victor Barthélemy, ancien du Parti communiste français, puis de la LVF, puis secrétaire général du PPF (voir son livre de mémoires Du communisme au fascisme) et comme il faut frapper le fer tant qu’il est chaud.
Qui sont les politiques suivants?
*Jacques Bompard -Membre fondateur du Front national en 1972 – crée OAS Cambronne, un réseau de soutien à l’OAS. Il rejoint par la suite les rangs du mouvement étudiant d’extrême droite Occident dont il intégrera plus tard le secrétariat national puis à Ordre nouveau après la dissolution d’Occident en 1968
*Jack Marchal– Adhérent du mouvement Occident dès 1966, il rejoint en 1968 le noyau fondateur du Groupe union défense (GUD) et entre à la direction politique d’Ordre nouveau, dont il dirige la presse. Il participera à ce titre à la création du Front national en 1972 avant de rejoindre deux ans après le Parti des forces nouvelles. Il a rejoint le Front national en 1984.
*Jean-François Galvaire -Membre d’Ordre nouveau en 1970, il fut l’un des fondateurs du Parti des forces nouvelles (PFN). Il devient par la suite conseiller régional Poitou-Charentes pour le Front national et président des Amis de National Hebdo
*Pascal Gauchon – ex-rédacteur en chef de Défense de l’Occident, il fut membre d’Ordre nouveau, puis devint secrétaire général du Parti des forces nouvelles, mouvement d’extrême droite, de 1974 à 1981. En mai 1979, il participe, en 4e position, derrière Michel de Saint-Pierre, Jean-Louis Tixier-Vignancour et Jean-Marie Le Pen, à la tentative de liste commune PFN/FN pour les élections européennes
Martial Bild -organe du Parti des forces nouvelles (PFN), puis adhère deux ans plus tard, en septembre 1980
*Didier Lecerf -Il fut membre de la direction du Parti des forces nouvelles et l’un des principaux rédacteurs du journal Pour une force nouvelle. Il rejoint, en 1984, le Front national
*Georges-Paul Wagner – Ancien d’Action Française, élu député des Yvelines en 1986, sous les couleurs du Rassemblement national, fondateur avec Roland Hélie et Philippe Colombani, de l’Institut d’histoire et de politique, centre de formation au service du FN.
*Georges Theil – condamné en 2001 par la Cour d’appel de Grenoble pour contestation de crimes contre l’Humanité, condamné le 3 janvier 2006 à 6 mois de prison ferme pour des propos tombant sous le coup de la loi Gayssot qui réprime le négationnisme de la Shoah. conseiller régional FN en Rhône-Alpes de 1998 à 2004.
*Jean-Jacques Susini –Créateur de l’OAS, condamné deux fois par contumace, à la peine de mort par la Cour de sûreté de l’État, pour son appartenance à l’OAS et comme inspirateur de l’attentat manqué contre Charles de Gaulle. Amnistié sur décision du général de Gaulle en 1968, Candidat pour le Front national aux élections législatives de 1997 dans les Bouches-du-Rhône.
*Pierre Sergent – participant du putsch d’Alger, chef d’état major de l’OAS-Métropole en 1961, condamné à mort par contumace par deux fois en 1962 et 1964, lors du procès par la Cour de Sureté de l’État des 8 principaux dirigeants de l’OAS, amnistié en 1968. Élu en 1986 député des Pyrénées-Orientales sous l’étiquette du Front national qu’il avait rejoint en octobre 1972.
Albert Rosset – a déclaré à propos des chambres à gaz (11 octobre 2004, Lyon, conférence de presse du FN, en présence de Bruno Gollnisch) : « Il faut faire la différence entre la mémoire vécue et la mémoire rapportée. Moi, j’ai vu les chambres à gaz, je les ai même utilisées. Elles ont servi à désinfecter des milliers de prisonniers, pouilleux ou atteint du typhus ». Conseiller régional Front National de la région Rhône-Alpes, élu sur le département de l’Ardèche.
*Fabrice Robert –Militant de troisième Voie (TV) organisation nationaliste révolutionnaire française, née en 1985 de la fusion du Mouvement nationaliste révolutionnaire avec des dissidents du Parti des forces nouvelles, dissoute en 1992, réactivée en 2010 sous l’impulsion de Serge Ayoub et dissoute de nouveau en 2013. Conseiller municipal du Front national à La Courneuve.
*Alain Renault -Secrétaire général d’Ordre nouveau, secrétaire général du Front national (FN) jusqu’en 1980
*Jean Madiran -décoré de la Francisque, secrétaire de Charles Maurras, collabore à l’hebdomadaire Rivarol et à L’Action Française. Ses écrits expriment sans retenue antisémitisme et antimaçonnisme, “Nous sommes à droite de l’extrême droite.” disait-il, Compagnon de route du Front national
*Guillaume Luyt -Ancien militant royaliste et dirigeant d’Unité radicale, il a succédé à Samuel Maréchal comme chef du Front national de la jeunesse (FNJ)
*Alain de La Tocnaye –OAS , Parti nationaliste français, Mouvement Travail Patrie, condamné à mort le 4 mars 1963. Le 11 mars, sa peine est commuée en prison à perpétuité. Il est gracié et libéré en 1968, Front national, au sein duquel il n’a pas de responsabilité particulière.
Il est le père de Thibaut de La Tocnaye, également militant et membre du front national.
*Serge Jeanneret – Action française, chef adjoint de cabinet d’Abel Bonnard dans le gouvernement Pierre Laval. En 1986, il adhère au Front national. Il est élu conseiller régional FN d’Île-de-France, puis vice-président du groupe FN
*Roger Holeindre –OAS, fait partie du service d’ordre de Jean-Louis Tixier-Vignancour, fondateur du Parti national populaire, participe à la fondation du FN.
*Gilbert Gilles – intègre la Waffen SS (au sein de la Division Charlemagne, avec le grade de Oberscharführer), a ensuite appartenu à l’OAS, puis adhéra au Front national.
*Pierre Descaves -s’engage en 1961 dans l’Organisation armée secrète (OAS), rejoint le Front national en 1984, membre du comité central.
*Jean-Pierre Cohen -adhère à 20 ans à l’OAS, Membre du comité central du Front national
*Christian Bouchet -rejoint en 1971 la Nouvelle Action française, cadre dirigeant du mouvement nationaliste-révolutionnaire européen, puis secrétaire-général des mouvements Troisième voie, Nouvelle résistance et Unité radicale, FN depuis 2008]
Le rôle fondateur d’Ordre nouveau pour le FN
Dans la perspective des élections législatives de 1973, le mouvement Ordre nouveau entreprend, à partir de la fin 1971, de constituer un « rassemblement de la droite nationale » allant des anciens poujadistes aux franges pétainistes ou néo-nazies les plus extrêmes. Le nouveau parti, baptisé « Front national pour l’Unité française », puis plus simplement « Front national », est officiellement fondé le 5 octobre 1972.
Selon l’analyse d’Alexandre Dézé, la création du Front national obéit à une quadruple logique de la part du mouvement Ordre nouveau à l’aube des années 1970. Il s’agit, en premier lieu, dans une « logique de compétition », d’occuper l’espace politique de l’extrême droite et de s’affirmer comme la « concrétisation de l’unité du nationalisme français ». Puis, dans une « logique de conversion » et particulièrement sous l’impulsion de François Duprat, Ordre nouveau redéfinit progressivement ses modes d’actions au bénéfice de la participation au système électoral, après un tout premier test en juin 1970 lors de législatives partielles suivi d’une participation aux municipales de mars 1971 : il s’agit alors en large partie de trouver des débouchés politiques aux jeunes cadres du mouvement. S’y ajoute une « logique de collaboration » avec les notables de la frange « nationale », afin d’élargir les moyens politiques d’Ordre nouveau au-delà de ce seul mouvement. On voit enfin à l’œuvre une « logique de rationalisation » dans le discours adressé aux militants, visant à montrer les limites de l’activisme et à convaincre du bien-fondé d’un mode d’action désormais strictement légaliste.
La flamme du Movimento sociale italiano (MSI), à l’origine de l’emblème du Front national. La flamme évoque également le logo de l’Union générale des travailleurs, syndicat créé par Ordre nouveau en 1971 et rappelle les trois flambeaux en faisceau du Rassemblement national populaire de Marcel Déat.
Logo historique du Front national.
Les dirigeants d’Ordre nouveau, particulièrement François Duprat et Alain Robert, s’inspirent alors essentiellement du modèle du MSI, parti néo-fasciste italien fondé en 1946 par des proches de Mussolini, qui vient alors de fusionner avec les monarchistes et d’adopter une ligne de « droite nationale » (Destra nazionale) : le MSI est à cette époque le plus puissant parti d’extrême droite européen. Comme le note Erwan Lecœur, Ordre nouveau « veut faire du rassemblement qui prend forme à la fin de cette année [1972] le pendant français de la réussite du Movimente Sociale Italiano (MSI) » ; de fait, « La flamme tricolore (sigle du Front national), comme une partie du programme sont copiées sur le MSI ». Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard soulignent de même que « le logotype de la flamme tricolore […] témoigne à la fois du parallélisme modernisateur avec l’Italie (chacun sait qu’il s’agit du symbole du MSI, avec le code couleur idoine bien sûr), de la continuité légitimatrice avec ON (qui en use déjà pour la coquille vide qu’est son syndicat, l’Union générale du travail) » mais y ajoutent « la tradition historique avec le Rassemblement national populaire de Déat (dont les trois flambeaux ressemblaient fort à cette flamme) ». Nicolas Lebourg précise que la flamme bleu-blanc-rouge signale aussi « la continuité légitimatrice avec Ordre Nouveau (qui en use déjà pour la coquille vide qu’est son syndicat, l’Union Générale du Travail) ». D’après l’historienne Valérie Igounet, « l’appropriation de la flamme italienne par le Front national symbolise, avant tout, une affiliation à une certaine mystique fasciste », mais s’explique aussi « parce qu’il n’a ni les réserves financières, ni les moyens logistiques pour conceptualiser un logo ». Le MSI est aussi le premier imprimeur du Front national, fournissant gratuitement ses premières affiches alors que le parti manque de moyens. Selon Zvonimir Novak, spécialiste de l’imagerie des supports politiques, « cette flamme fait référence à celle des poilus durant la guerre de 14-18, la flamme éternelle de la France, celle du soldat inconnu ».
Alain Robert joue dans la genèse de ce mouvement unitaire un rôle clé grâce à la mobilisation de ses réseaux personnels issus de ses multiples engagements successifs (au sein de la Fédération des étudiants nationalistes, des comités Tixier-Vignancour, d’Occident, du Groupe Union Droit). L’initiative d’Ordre nouveau intervient à un moment où, après l’échec des « ultras de l’Algérie française » et le déclin qui s’en est suivi, l’extrême droite française est particulièrement fragmentée entre des groupuscules épars. Outre Ordre nouveau, où l’on retrouve en particulier François Duprat, Alain Robert et François Brigneau et qui est le mouvement dominant par le nombre, les groupes étroitement impliqués dans la création du Front national et dont différents membres y occuperont des postes clés sont Jeunesses patriotes et sociales (JPS) de Roger Holeindre (ancien de l’OAS et des comités Tixier-Vignancour), la revue Militant de Pierre Bousquet (ancien membre du Parti franciste puis de la division SS Charlemagne dans les années 1940) et le Groupe union défense (GUD) d’Alain Robert (tendance nationaliste-révolutionnaire). Alexandre Dézé souligne le caractère alors « hautement improbable » dans ce contexte de la création d’un parti regroupant ces diverses tendances en vue d’une participation à la compétition politique dans le cadre des institutions. De fait, certains autres groupuscules préfèrent alors ignorer cette initiative : le GRECE, qui poursuit depuis 1968 son entreprise de refondation idéologique, ainsi que les monarchistes de Restauration nationale. Enfin, Georges Bidault, qui, avec son Mouvement pour la justice et la liberté, aurait apporté avec lui la caution d’un ancien président du Conseil national de la Résistance et d’un ancien président du Conseil de la IVe République, ne participe que brièvement aux tractations qui se déroulent à l’été 1972.
Jean-Marie Le Pen, « caution électorale »
Après le refus de Dominique Venner et de Jacques Susini d’assumer la fonction de président du nouveau front, et notamment par l’intermédiaire de Roger Holeindre et François Brigneau, les responsables d’Ordre nouveau se tournent vers Jean-Marie Le Pen, avec lequel des contacts ont lieu depuis décembre 1971 ; celui-ci est alors en retrait de la vie politique après sa participation à la campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour. Il rejoint le nouveau parti lors du second congrès national d’Ordre nouveau les 10 et 11 juin 1972 et obtient tout d’abord un premier accord mettant en place une présidence à trois têtes représentant les trois principales tendances : lui-même, François Brigneau pour Ordre nouveau et Guy Ribeaud, un proche de Georges Bidault. Après le retrait de ce dernier, il obtient pour ses partisans une majorité des sièges au bureau politique, Ordre nouveau n’en occupant qu’un tiers et chaque responsable de la tendance Ordre nouveau y étant doublé d’un adjoint « lepéniste ». Le bureau initial du Front national est ainsi composé, outre Jean-Marie Le Pen (président) et François Brigneau (Ordre nouveau, vice-président), d’Alain Robert (Ordre nouveau, secrétaire général) et Roger Holeindre (secrétaire général adjoint) et de Pierre Bousquet (trésorier) et Pierre Durand (trésorier adjoint).
Décrit par les dirigeants d’Ordre nouveau comme « une personnalité de premier plan, non seulement par son passé militant et combattant, notamment le fait d’avoir été député à deux reprises, mais surtout par son intelligence et sa clairvoyance politique», Jean-Marie Le Pen « présente alors un profil plus légaliste et modéré que celui des dirigeants du mouvement nationaliste-révolutionnaire […] dans cette mesure, sa participation au FN doit avoir pour finalité de crédibiliser l’entreprise frontiste ». Pour Jean-Yves Camus, il s’agit de tirer profit de ses atouts de « faire-valoir électoral sans lui confier la direction de l’appareil du mouvement ». Il relève également « que « l’expérience des « comités TV » [Tixier-Vignancour] est importante pour l’histoire future du FN : en effet, la nébuleuse tixiériste avait partiellement réussi à mobiliser ensemble des fractions aussi différentes que la droite conservatrice antigaulliste (P. Arrighi, A. de Lacoste-Lareymondie), le néo-fascisme d’Occident et le néo-paganisme « européaniste » de J. Mabire ou D. Venner. Oscillant sans cesse entre un nationalisme sans compromis et la tentation du ralliement au meilleur candidat antigaulliste, la campagne Tixier préfigurait largement les futures hésitations stratégiques du FN ».
Par choix tactique, la quasi exclusivité de la représentation du nouveau parti est laissée à Jean-Marie Le Pen, désigné président du nouveau parti : outre le bénéfice recherché en termes de crédibilité, Ordre nouveau choisit de s’effacer publiquement pour permettre, le temps de la campagne des législatives, l’expression d’un discours unitaire[
Le premier programme du Front national
Se revendiquant d’une « droite sociale, populaire, nationale », le nouveau parti se place explicitement au sein du jeu politique : l’opposition au régime « prend désormais plutôt la forme d’une critique populiste du système politique et des principales forces qui le composent » (« contre la majorité usée, corrompue, impuissante », « contre le communisme ruineux, utopique, oppresseur » sont deux des mots d’ordre de la campagne électorale de 1973).
Sous le titre « Défendre les Français », le programme publié le 11 novembre 1973 dans Le National et dont la partie économique a été rédigée par Gérard Longuet, aborde dans une optique conservatrice modérée, à la tonalité anti libertaire, anticapitaliste et antimarxiste, la plupart des thèmes sociétaux du moment (agriculture, économie, enseignement, service public, santé). Le nouveau parti, aux thèmes déjà national-populistes, se veut être une « troisième voie entre lutte des classes et monopoles »[]. Loin de reprendre les idées économiques interventionnistes d’Ordre nouveau, il s’affiche comme une défense des intérêts corporatistes tout en « réclamant, au contraire, la réduction au strict minimum du secteur public et nationalisé, ainsi que le confinement de l’État à son rôle d’arbitre des intérêts ». Jean-Yves Camus souligne les ambiguïtés de ce programme sur les questions de l’immigration, où le lien avec le chômage n’est pas encore établi, ainsi que la position sur la natalité où il « réclame la révision de la loi de 1920 sur l’avortement, alors que la même mesure, prise par S. Veil, ouvrira la campagne frontiste sur le prétendu « génocide des enfants français »[
Cette nouvelle orientation stratégique ne fait cependant pas l’unanimité, comme en témoignent les désaccords dès le congrès fondateur de juin 1972 entre les tenants « radicaux » du maintien de la référence à Ordre nouveau sous l’appellation « Front national pour un Ordre nouveau » (minorité menée par les membres du GUD) et les « pragmatiques » qui insistent « sur la nécessité de jouer à fond la stratégie d’ouverture et de changement d’« image » » et soutiennent le choix du nom de « Front national pour l’Unité française » (motion conduite par François Brigneau). Le discours tenu en interne sur la distinction maintenue entre les programmes respectifs des deux mouvements en est une autre illustration. De même, lors du congrès de 1972, alors qu’« [une] minorité « pose clairement la question : « Ne peut-on craindre de voir, éventuellement, ce Front national échapper au contrôle d’Ordre nouveau ? », [il] leur est répondu qu’ON continue à revendiquer le rôle dirigeant au sein du Front, qu’il doit en rester l’élément moteur, « l’ossature autour de laquelle s’ordonne tout le reste » ». La multiplication des emprunts à Ordre nouveau dissimulés dans l’imagerie et les slogans du nouveau Front national est encore un moyen de « rassurer les militants sur les référents identitaires originels du parti », ce qui n’empêche pas la scission menée par Patrice Janeau qui fonde par la suite le Groupe action jeunesse.
Jean-Yves Camus souligne que la difficulté, à l’époque, réside dans « l’existence au sein de la droite nationale de deux cultures idéologiques antagonistes : celle d’Ordre nouveau, nationaliste-révolutionnaire, et celle des nationaux, souvent issus du poujadisme et du mouvement pour l’Algérie française ». La création du nouveau parti se fait « dans une ambiance réciproque de parfaite méfiance », lepénistes et Ordre nouveau mettant concurremment en place des sections locales et annonçant des meetings de lancement distincts ; les statuts du mouvement doivent être rédigés sans aucune référence idéologique ou politique, afin d’éviter les conflits. Pour Grégoire Kauffmann, « le FN naît ainsi d’un malentendu — pour ne pas dire d’un marché de dupes. D’autant que Le Pen avait promis le renfort de nombreux militants rencontrés à l’époque du poujadisme et des « Comités Tixier ». Or la moisson s’avère très décevante. Ne répondent à l’appel que les maigres troupes du Front uni de soutien au Sud-Vietnam dirigé par Roger Holeindre et celles, non moins dérisoires, de Justice et Liberté, le groupuscule de Georges Bidault — figure de la Résistance passée à l’OAS. Dans les faits, c’est bien Ordre nouveau qui, incitant tous ses adhérents à rejoindre la nouvelle formation, fournit au FN le gros de ses effectifs » ; à Paris, 20 des 31 candidats du Front aux élections législatives viennent ainsi d’Ordre nouveau.
Ces tensions s’avivent après l’échec aux législatives de 1973. Jean-Marie Le Pen avait annoncé 400 candidats, mais le parti ne parvient à en présenter que 105. Alors que l’objectif et le seuil de viabilité du mouvement avaient été fixés à 3 % des voix, le nouveau parti n’obtient que 108 000 voix, soit 1,3 % des suffrages exprimés au niveau national et 2,3 % dans les circonscriptions où il était présent. Seul Jean-Marie Le Pen dépasse les 5 % à Paris. Lors du troisième congrès d’Ordre nouveau en avril 1973, puis du premier congrès du Front national en juin, les dirigeants d’Ordre nouveau affirment une double stratégie : d’une part de maintien des objectifs nationalistes révolutionnaires du mouvement afin de conserver sa base militante, et d’autre part d’engagement maintenu dans la voie légaliste, c’est-à-dire dans le Front national où Ordre nouveau revendique cependant son autonomie politiqu
Prise de contrôle par Jean-Marie Le Pen
La reprise de l’action militante et violente lors des congrès de juin 1973 conduit finalement à la dissolution d’Ordre nouveau par le gouvernement le 28 juin, en même temps que celle de la Ligue communiste, à la suite d’une nuit d’affrontement dans les rues parisiennes le 21 juin. Alain Robert tente alors de conserver le capital politique et organisationnel acquis grâce à la création du Front national, tout d’abord en exigeant la majorité des sièges au bureau politique du parti, puis au travers d’une revue baptisée Faire front lancée en octobre 1973 et sous-titrée « Journal du Front national », amorce d’un « Front national bis ». Mais cette tentative se solde par un échec : Jean-Marie Le Pen désigne Victor Barthélemy, ancien membre du Parti communiste français et du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, au poste de secrétaire administratif, et Dominique Chaboche au poste de secrétaire général, puis obtient par décision de justice « non seulement l’interdiction pour Faire front d’utiliser la mention « Front national » mais aussi l’usage exclusif du sigle frontiste » Il peut alors « imposer un bureau politique tout à sa dévotion ».
Tandis qu’Alain Robert va fonder le Parti des forces nouvelles qui sera le principal concurrent du Front national tout au long des années 1970, Jean-Marie Le Pen se retrouve cependant alors « à la tête d’une organisation non seulement endettée mais également amputée d’une partie substantielle de sa base militante » : la scission de Faire front entraîne la perte d’un tiers des dirigeants et de la majorité des cadres et militants[]. Le Front national ne compte plus que quelques centaines d’adhérents.
Pour Alexandre Dézé, cette première scission illustre une constante de l’histoire du Front national, partagé entre « une logique électorale de conquête du pouvoir et une logique doctrinale d’affirmation identitaire.
Sources :
Le Canard Gaulois déchaîné
https://lecanarddechaineblog.wordpress.com/2017/02/13/qui-a-fond-le-fn/